Vincent Mannaert: "Les play-offs n'apportent rien, il faut les supprimer"

RTBF Sports a écrit:
Vincent Mannaert: "Les play-offs n'apportent rien, il faut les supprimer"







Il est le Directeur Général d’un Club Bruges qui, l’élimination européenne digérée, survole le championnat. Il loue le fanatisme de Leko, place Vanaken chez les Diables, exclut la perspective d’un Club chinois et honnit les play-offs. Il évoque aussi le flamand de Felice, l’ombre de MPH et la valeur en hausse du footeux belge. Mais il a ses doutes sur la relève des Diables. Vincent Mannaert passe "Sur le Gril".

Il revient de Madrid où il a négocié un partenariat informatique… tout en assistant à Real-Tottenham. Anderlecht-PSG, Vincent Mannaert n’en a donc vu que le résumé. "Ça me fait mal de ne pas voir Bruges jouer ces matches, mais c’est comme ça. Ça m’a rappelé notre campagne de l’an dernier : on a fait 0 sur 18 mais nous aussi, on a été tout près de prendre des points. Le football belge manque d’efficacité à ce niveau, mais nous n’avons pas les moyens comme le Bayern, le PSG, Barcelone ou le Real de conserver nos meilleurs joueurs. Mais je répète : je préfère prendre 0 sur 18 en Champions League que jouer l’Europaligue, car la Champions est un formidable laboratoire sportif… et financier."

Et pourtant, un club belge vainqueur d’une Coupe d’Europe, il y croit encore. "Pas la Champions League, mais l’Europaligue oui : avec un bon tirage… et un maximum de réussite. Si Ajax a atteint la finale l’an passé, pourquoi pas nous ? On l’a prouvé il y a deux ans, Anderlecht, Genk et Gand l’an dernier. Même si, c’est vrai, la saison passée a été anormalement bonne… et cette saison anormalement mauvaise."
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Play-out

Vincent Mannaert avec Ivan Leko et Bart Verhaeghe - KURT DESPLENTER - BELGA
Après 14 rencontres européennes, le foot belge court toujours derrière son premier succès cette saison. Sorti prématurément, comme Gand et Ostende, Bruges plane sur le début de championnat. Pour Mannaert, le lien est évident. "Les équipes sortent fatiguées des play-offs et n’ont pas le temps de retrouver de la fraîcheur, la saison reprend trop vite, il y a trop de matches. Je plaide donc pour la suppression des play-offs et le retour à une formule classique. Hormis l’intensité et le suspense, les play-offs n’apportent aucune qualité au niveau du foot pur et dévaluent les 30 premières journées. Pour avoir négocié plusieurs contrats télé, je peux aussi vous dire qu’ils ne haussent pas du tout la valeur du marché : c’est la progression des clubs qui valorise le produit, pas le format de la compétition. Et ne croyez pas que Bruges adopte cette thèse car il a perdu le titre plusieurs fois dans les play-offs : Anderlecht et le Standard ont vécu la même chose."

Leader solide en championnat (27 points sur 30), Bruges décolle après avoir balbutié son début de saison. "Ivan Leko devait apposer sa griffe : c’est un passionné qui veille à tout et sent parfaitement son groupe. Il fait confiance aux jeunes, Mechele est pour moi la révélation de saison : ce n’est pas le plus doué mais il a un mental exceptionnel. La défense à trois de notre coach a trouvé son équilibre, les pièces du puzzle se sont mises en place, il nous reste à mieux gérer les moments faibles en match. C’était une fameuse gageure après les 4 années Preud’homme, où Michel maintenait en permanence les joueurs sous pression. Ivan est en train de prouver que ce club peut fonctionner de manière structurée, sans l’ombre de Michel. Mais on ne pourra pas continuer à ce rythme-là toute une saison, c’est évident."

Felice et la langue du foot

Felice Mazzu - YORICK JANSENS - BELGA
Mannaert le confirme, il a aussi eu des contacts avec Francky Dury et Felice Mazzù pour succéder à MPH. "Mehdi Bayat a directement exclu toute négociation, donc on n’est pas allé plus loin. Mais l’image de Wallon de Mazzù n’était pas un handicap : Michel l’était aussi, Felice parle un peu Flamand, et avec Leko c’est l’Anglais qui est la langue des entraînements. Ce qui compte, c’est la langue du foot."

Mais l’ADN du Club s’accommoderait-il d’un jeu de possession façon Vanhaezebrouck ? "L’ADN du Club, c’est la victoire avec de la passion, de la dominance et de l’engagement. Cela n’exclut aucune façon de jouer, même le tiki-taka. Le style Houwaart n’était pas celui de Broos, Happel n’était ni Sollied ni Preud’homme. Dans la même équipe cohabitent Simons et Refaelov. Notre public accepte tout, à condition d’y mettre de la passion."

2e plus jeune leader d’Europe pour la moyenne d’âge de son onze de base, Bruges aligne aussi jusqu’à 7 Belges à l’entame de ses matches. "De tous les clubs du G5, nous sommes celui dont l’Académie est la mieux représentée dans notre équipe. Nous voulons aussi que soit mieux rémunéré le fait d’aligner des Belges. Car les quotas de 6 Belges sur la feuille fait monter le prix des bons joueurs belges puisque tout le monde les recherche. D’où cet effet pervers : les étrangers sont de moins en moins chers… et on obtient le résultat inverse, nos équipes fourmillent d’étrangers."

Ombre chinoise

Vincent Mannaert - BRUNO FAHY - BELGA
Malgré l’élimination européenne, malgré un seul titre en 12 ans et donc peu de recettes européennes, le Club se porte bien. "On a un trésor de guerre… et on sait déjà qu’on sera en bénéfice en fin de saison. Le Club fonctionne sur son seul management : hormis ses achats d’actions, Bart Verhaeghe n’a pas mis un seul euro dans le club, qui est donc pérenne sans son Président. Il est évident que le foot devient de plus en plus mondial et global, et que les centres de décision quittent l’Europe. Mais le Club est pour l’instant à l’abri d’un appétit chinois, russe ou qatarien : on n’a jamais eu d’offre… car ils savent que c’est inutile, le Club n’est pas à vendre !"

Absent des Diables Rouges, Bruges y verrait bien son stratège Hans. "Vanaken a atteint un niveau et une constance qui me font dire que oui, il mérite sa place dans le noyau des Diables. Mais la concurrence y est énorme. La réussite des Diables est aussi bénéfique pour le marché : la Pro-Ligue est devenue une vitrine, on vend à de meilleurs tarifs, même si on doit encore rattraper les Pays-Bas. C’est un travail de longue haleine : les Bataves ont une tradition faite de 3 finales de Coupes du Monde ainsi qu’une meilleure capacité à se vendre. On doit être plus fier de ce qu’on fait, chez nous en Belgique."

Stade terminal

Le Jan Breydelstadion de Bruges - DIEDERICK ETTEMA / FLUGIA - BELGA
Proche d’avoir les permis pour son propre stade, Bruges lorgne aussi le fameux dossier du stade national. "Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas un combat de Bart Verhaeghe contre Bruxelles et Anderlecht. On a toujours dit, ici à Bruges, qu’il fallait investir dans les infrastructures au profit des différents clubs. Et que l’Equipe Nationale n’avait pas besoin de stade propre : il suffit de voir dans les autres grands pays, où la sélection voyage de stade en stade."

Sauf que les Diables font stade comble à chaque sortie… et que l’Union Belge ne peut se contenter des stades actuels de 30.000 sièges pour financer son budget. "Mais qui dit que, passée cette génération, les Diables auront besoin d’un si grand stade ? Avoir Hazard, De Bruyne, Lukaku et Courtois dans la même équipe est exceptionnel… mais j’ai mes doutes sur la qualité des générations suivantes. Même en Russie, les Diables ne pourront pas se reposer sur leur seul talent : il faudra y mettre une mentalité de vainqueurs. Sans quoi, ils n’y arriveront pas."

Souris parce que c’est grave

Vincent Mannaert - DAVID STOCKMAN - BELGAIMAGE
Et Vincent Mannaert de se replonger dans son quotidien brugeois. Et sur sa vie de dirigeant. "Je suis né avec un ballon dans le ventre. Et même, comme dirigeant, j’ai ce besoin chaque jour de passer au vestiaire et de respirer l’odeur du gazon. Le foot procure des émotions plus grandes que dans la vie normale. Comme avocat, j’avais des satisfactions intellectuelles. Mais une victoire en foot, vous la partagez avec 30.000 personnes."

Sauf qu’il y aussi les défaites… "Ma femme me dit toujours de sourire davantage en tribune, mais dans ces moments-là, c’est impossible. Et c’est vrai : la nuit, il m’arrive de me réveiller en sursaut, à 3 heures du matin, car un souci du foot me triture..."

Le format des play-offs peut-être ?
"Sur le Gril", un rendez-vous hebdomadaire d’Erik Libois à retrouver sur Vivacité le vendredi soir à 20h10, le samedi soir à 22h10 et le dimanche vers 16h30. Et le lundi en télé dans La Tribune.
PS: Vincent Mannaert a souhaité ajouter un hommage Brice De Ruyver, professeur de criminologie à l’Université de Gand et architecte de la réforme des polices et de la Loi Football, décédé jeudi. "Il a été un grand supporter du Club in good and bad days et a aussi effectué un travail important concernant la législation concernant la sécurité dans le foot. Toujours dans l’ombre, il a signifié beaucoup pour le Club."