Tactique - de Raymundo a Bielsa
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Tactique - de Raymundo a Bielsa
(extrait du dé-managers #40, www.cahiersdufootball.fr)
Philippe Gargov (@footalitaire) – Intéressante anecdote relayée dans le dernier numéro de Vestiaires Magazine, qui consacre ses pages “Coach de légende” à l’illustre Raymond Goethals. Jean Fernandez, alors jeune adjoint débutant à Marseille, y relate sa première rencontre avec Raymond-la-science, fraîchement intronisé coach de la cité phocéenne. Nous sommes alors en janvier 1991, à l’aube d’une épique épopée qui mênera l’OM sur les cimes de l’Europe. Alors que Jean Fernandez l’interroge sur la pertinence de mettre Basile Boli au coeur d’une défense à trois inédite à Marseille, le vénéré Belge clopant lui répond ceci: “Arrête de me parler de bien ressortir les ballons! Un défenseur, il relance où il veut, je m’en fous. Un défenseur, il faut d’abord qu’il défende! Avec Boli en dernier homme, un joueur rapide, puissant, fort dans les duels et dans les jeux de tête, il va rattraper toutes les erreurs des autres.”
Au-delà de sa croustillance, cette citation reflète avec une acuité frappante les mutations que connaît le football depuis vingt ans maintenant, et plus précisément l’évolution des postes reculés dans la contributions aux phases offensives. On pourrait ainsi la mettre en parallèle de cette analyse, qui en est le parfait contre-pied: “L’Ajax [de Louis van Gaal] réalisait en moyenne, j’ai calculé, trente-sept passes vers l’arrière. Le supporter voit ça comme un refus de jouer, mais indéniablement, cette passe vers l’arrière, c’est le début d’une nouvelle attaque.” La citation est signée d’un certain Marcelo Bielsa, qui fait aujourd’hui frémir le Vélodrome comme le faisait Goethals en son temps...
Voilà, en un sens, toute l’étendue du chemin parcouru en un presque quart de siècle. Les joueurs reculés ont aujourd’hui une influence directe sur le jeu offensif d’une équipe, malgré leur rudesse ou leurs défaillances techniques. S’il était à l’époque habituel, voire souhaitable, de contraindre les défenseurs à des rôles purement défensifs, la tendance s’est inversée avec le temps, tendant vers une hybridation des postes toujours plus dense et surprenante. On l’a vu durant la Coupe du monde, et on le mesure chaque semaine au Bayern, où Manuel Neuer se mue régulièrement en vrai-faux libéro, n’hésitant pas à s’éloigner de sa surface pour participer au jeu de son équipe, notamment grâce à ses relances de qualité. Le jeu au pied n’est-il pas l’arme secrète des grands gardiens, qui maîtrisent parfois le jeu long mieux que des ribambelles de défenseurs?
De même, point commun à la dernière journée de Liga et de Serie A, deux milieux reculés ont ce week-end sauvé leur équipe dans les dernières minutes de leurs matches respectifs: Busquets avec Barcelone – après une partie navrante dont il est en partie responsable –, et Pirlo avec la Juve en conclusion d’un énième derby turinois gagné par la Vieille dame. Certes, voir le Maestro marquer n’est pas forcément chose rare (voir l'anecdote un peu plus loin); mais là encore, nous sommes témoins d’un affranchissement tactique que Raymond-la-science aurait peut-être jugé hérétique. Après tout, Pirlo n’est-il pas lui même né d’un dépassement de fonction, lui le freluquet placé en sentinelle?
Ce qui devrait être une anomalie tend aujourd’hui à devenir la norme. L’endurance des joueurs permet de couvrir des surfaces de terrain impensables à l’orée des nineties. Comment pouvoir maximiser cette nouvelle donne en métamorphosant le jeu de l’équipe? C’est à cette question que les docteur Moreau de la tactique, les Mourinho et les Guardiola, répondent chaque semaine. Ils transforment les ailiers en buteurs (Messi, Ronaldo), les latéraux en trequartistas (Lahm), et les gardiens en libéros… d’autant qu’en matière de croisements improbables, tout reste encore à inventer.
Ce football que l’on observe chaque week-end, jamais Goethals n’aurait pu l’imaginer en son temps. Il aurait même sûrement gueulé, avec son accent si reconnaissable, “qu’un gardien, il relance où il veut !”. Ce qui ne l’empêche pas d’être l’un des tacticiens les plus influents du paysage footballistique français et européen. Mais puisse Neuer obtenir ce Ballon d’Or qu’il est le seul à vraiment mériter, non pas pour lui donner tort, mais pour souligner à quel point les temps du football ont changé.
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Pour les passiones de cette evolution tactique, consultez cet article en anglais, sur le declin en l'art de defendre, sans doute contrepartie des progres offensifs ;)
http://www.espnfc.com/blog/espn-fc-united-blog/68/post/2161758/how-attacking-footballs-evolution-has-impacted-defending
Philippe Gargov (@footalitaire) – Intéressante anecdote relayée dans le dernier numéro de Vestiaires Magazine, qui consacre ses pages “Coach de légende” à l’illustre Raymond Goethals. Jean Fernandez, alors jeune adjoint débutant à Marseille, y relate sa première rencontre avec Raymond-la-science, fraîchement intronisé coach de la cité phocéenne. Nous sommes alors en janvier 1991, à l’aube d’une épique épopée qui mênera l’OM sur les cimes de l’Europe. Alors que Jean Fernandez l’interroge sur la pertinence de mettre Basile Boli au coeur d’une défense à trois inédite à Marseille, le vénéré Belge clopant lui répond ceci: “Arrête de me parler de bien ressortir les ballons! Un défenseur, il relance où il veut, je m’en fous. Un défenseur, il faut d’abord qu’il défende! Avec Boli en dernier homme, un joueur rapide, puissant, fort dans les duels et dans les jeux de tête, il va rattraper toutes les erreurs des autres.”
Au-delà de sa croustillance, cette citation reflète avec une acuité frappante les mutations que connaît le football depuis vingt ans maintenant, et plus précisément l’évolution des postes reculés dans la contributions aux phases offensives. On pourrait ainsi la mettre en parallèle de cette analyse, qui en est le parfait contre-pied: “L’Ajax [de Louis van Gaal] réalisait en moyenne, j’ai calculé, trente-sept passes vers l’arrière. Le supporter voit ça comme un refus de jouer, mais indéniablement, cette passe vers l’arrière, c’est le début d’une nouvelle attaque.” La citation est signée d’un certain Marcelo Bielsa, qui fait aujourd’hui frémir le Vélodrome comme le faisait Goethals en son temps...
Voilà, en un sens, toute l’étendue du chemin parcouru en un presque quart de siècle. Les joueurs reculés ont aujourd’hui une influence directe sur le jeu offensif d’une équipe, malgré leur rudesse ou leurs défaillances techniques. S’il était à l’époque habituel, voire souhaitable, de contraindre les défenseurs à des rôles purement défensifs, la tendance s’est inversée avec le temps, tendant vers une hybridation des postes toujours plus dense et surprenante. On l’a vu durant la Coupe du monde, et on le mesure chaque semaine au Bayern, où Manuel Neuer se mue régulièrement en vrai-faux libéro, n’hésitant pas à s’éloigner de sa surface pour participer au jeu de son équipe, notamment grâce à ses relances de qualité. Le jeu au pied n’est-il pas l’arme secrète des grands gardiens, qui maîtrisent parfois le jeu long mieux que des ribambelles de défenseurs?
De même, point commun à la dernière journée de Liga et de Serie A, deux milieux reculés ont ce week-end sauvé leur équipe dans les dernières minutes de leurs matches respectifs: Busquets avec Barcelone – après une partie navrante dont il est en partie responsable –, et Pirlo avec la Juve en conclusion d’un énième derby turinois gagné par la Vieille dame. Certes, voir le Maestro marquer n’est pas forcément chose rare (voir l'anecdote un peu plus loin); mais là encore, nous sommes témoins d’un affranchissement tactique que Raymond-la-science aurait peut-être jugé hérétique. Après tout, Pirlo n’est-il pas lui même né d’un dépassement de fonction, lui le freluquet placé en sentinelle?
Ce qui devrait être une anomalie tend aujourd’hui à devenir la norme. L’endurance des joueurs permet de couvrir des surfaces de terrain impensables à l’orée des nineties. Comment pouvoir maximiser cette nouvelle donne en métamorphosant le jeu de l’équipe? C’est à cette question que les docteur Moreau de la tactique, les Mourinho et les Guardiola, répondent chaque semaine. Ils transforment les ailiers en buteurs (Messi, Ronaldo), les latéraux en trequartistas (Lahm), et les gardiens en libéros… d’autant qu’en matière de croisements improbables, tout reste encore à inventer.
Ce football que l’on observe chaque week-end, jamais Goethals n’aurait pu l’imaginer en son temps. Il aurait même sûrement gueulé, avec son accent si reconnaissable, “qu’un gardien, il relance où il veut !”. Ce qui ne l’empêche pas d’être l’un des tacticiens les plus influents du paysage footballistique français et européen. Mais puisse Neuer obtenir ce Ballon d’Or qu’il est le seul à vraiment mériter, non pas pour lui donner tort, mais pour souligner à quel point les temps du football ont changé.
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Pour les passiones de cette evolution tactique, consultez cet article en anglais, sur le declin en l'art de defendre, sans doute contrepartie des progres offensifs ;)
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Date d'inscription : 05/06/2014
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